J'ai des croutes à manger
J’ai travaillé très longtemps avec le public dans le transport en commun surtout dans l’ouest de Montréal.
L’Anglophone qui s’adresse à vous en anglais, chose normale pour lui, si vous le servez même en baragouinant un peu sa langue, reste très gentil avec vous.
Or moi, depuis l’avènement de la Charte de la langue française, j’ai systématiquement refusé tout service qui ne se ferait pas complètement en français.
Cela veut dire en clair que si la personne s’adressait à moi en anglais, elle n’obtenait pas le service escompté. Si la personne ne m’avait pas parlé en français, tout en restant courtois, je la laissais « partir bredouille ». J’ai donc été privilégié de pouvoir faire beaucoup d’expériences qui m’ont permis de voir le vrai visage de l’Anglo-Québécois contrarié dans ce qu’il croyait être son « droit sacré », c’est-à-dire, d’être servi dans sa langue.
Je ne le répéterai jamais assez ; si vous n’avez pas refusé à un anglophone un service qu’il croyait avoir le droit de recevoir dans sa langue, vous ne pourrez pas comprendre complètement ce que je dis.
Visages hideux. Comportement parasitaire
J’ai donc vu des visages hideux, j’ai subi la hargne et les menaces et j’ai été l’objet de plaintes et de mesures disciplinaires de la part de l’employeur qui était à genoux devant eux.
Et j’ai vu leur comportement parasitaire. Je les ai entendus dire : « This bus driver shouldn’t be allowed to drive the bus if he doesn’t speak English ! Imagine if some tourist comes along and he doesn’t speak English ! » en réaction à mon comportement. D’après eux j’aurais dû parler anglais pas pour eux, mais bien pour d’éventuels touristes (et, bien sûr, eux en auraient profité, les parasites !)
Et ils jouent aussi sur toutes les cordes, même celle de l’ignorance « I wish I could speak as good French as you speak English » (cela m’arrivait avant la loi 101, car après elle ils ne m’ont jamais plus entendu prononcer un mot en anglais).
Peut-il y avoir une conclusion ? Ce serait peut-être intéressant ! Je vous disais que je ne suis pas né ici.
En arrivant à Montréal en 1965 et en ayant été confronté aux demandes de m’exhiber en anglais si je voulais travailler, je me suis informé de source sûre au sujet des pourcentages respectifs des francophones et des anglophones.
Ayant su que les francophones représentaient environ le 82% de la population d’ici, je me suis dit : « dans quel pays normal la minorité dicte sa loi à la majorité ? ».
J’ai alors vu l’injustice à l’oeuvre et comme l’injustice ne fait pas bon ménage avec moi, j’ai commencé à faire naître en moi le désir de m’associer au peuple opprimé dans ses droits.
Antagonismes, Pierre Bianchi, 5 juin 2007
À réécouter: Montréal, ville française?
Libellés : libération
2 Commentaires, commanditaires:
un blog excellent.
J'ai adoré, vive la hargne contre toutes les inégalités possibles.
http://www.peuples.net/
christophe
Ah ben ça fait plaisir.
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